Nous avons eu l'idée d'utiliser les cochons tamworth principalement pour nous aider à empêcher la friche de repousser. C'est un cochon rustique, capable de se nourrir en bonne partie avec le pâturage et très travaillant.L'idée était donc de déplacer les cochons sur des petites parcelles et faire le tour du terrain pendant la saison . Aussi nous voulions diminuer au maximum l'achat de grains et nourrir les cochons comme ils le sont depuis des centaines d'années avec les restants de table. La plupart des producteurs semblaient dire que l'on devait absolument compléter leur alimentation avec des grains et surtout des minéraux, ben ici, les minéraux ils les prendront à même le sol! Étant à proximité de la ville, nous avons établi un partenariat avec un restaurant pour qu'ils nous gardent les restants de préparations des repas communément appelés compost(en réalité c'est de la matière organique qui peut servir à faire du compost). Contents de trouver enfin un déboucher pour cette matière qu'ils devaient mettre dans les déchets car la ville ne prend pas le compost des restaurants...
Nous avons reçu 2 cochons frère et soeur en mai . On voulait utiliser leurs services tout l'été, trouver un autre mâle et faire accoupler la femelle pour avoir une portée au printemps suivant. Pour confiner les cochons à l'intérieur de l'enclos j'ai fait quelques lectures et l'idée était d'installer un fil de cloture électrique à la hauteur du museau pour confiner les cochons à l'intérieur de l'enclos. Ben oui c'est tout simple!On dépose les mignons cochons dans l'enclos et ils restent à l'intérieur. Pas tout à fait... c'était la première fois qu'ils étaient sur le sol, avant c'était du béton. Curieux, ils se mettent à sentir un peu partout et zap un choc, saute le fil et on a passé l'après midi à courir après. On décide donc d'installer un filet électrique, beaucoup plus visible et impénétrable. Habitués à la moulée, ça a pris un certain temps avant qu'ils comprennent que des légumes, des pizzas trop cuites et du pain sec pouvaient se manger. En fait, on a diminué leur ration de moulée pour leur donner faim et une fois habitués, ils préféraient le resto à la moulée. Leur instinct de fouiner le sol était présent mais c'était évident qu'ils manquaient de pratique. Les 2 premières fois qu'on a déplacé l'enclos, c'était parce qu'il y avait accumulation de matière organique en décomposition qui dégageait une odeur désagréable. Ensuite ils mangeaient toute la bouffe et le terrain aussi. Les derniers mois, on devait déplacer l'enclos idéalement à toutes les semaines parce que le sol était complétement à nu et comme ça faisait partie de leur alimentation on devait les déplacer. Après quelques pratiques, cette tâche prenait environ 1 heure à deux. Mais là, vers la fin de la saison on s'est ben rendu compte à quel point ils bouffaient notre sol malgré qu'ils n'avaient pas encore 1 an. Les pommes, carottes et courges nous ont aidé à compléter leur alimentation à la fin de l'automne.
En faisant un calcul pas trop savant on s'est dit que notre terrain ne pourrait pas supporter des cochons tamworth adultes pendant toute une saison. C'est là que j'ai du faire un cheminement personnel face à la mort. Malheureusement, je n'ai pas été jusqu'au bout, j'aurais aimé mettre fin à leur jour moi même mais mon manque d'expérience et d'infrastructure m'ont fait opter pour l'abattoir. Ici, j'ai ressenti que je n'avais pas accompli mon devoir. J'ai choisi un abattoir où je pouvais au moins assister à la découpe, ce qui a fait en sorte de démystifier cette étape. Je m'étais fait dire par plusieurs que c'était difficile d'embarquer les cochons dans le trailer. Le truc suggéré est de nourrir les cochons dans le trailer les jours précédant l'embarquement. Mais comme nous avions habitué nos cochons à se faire déplacer à toutes les semaines, avec une corde autour du cou, ça été très facile de les diriger dans la remorque sans forcer. Je crois avoir offert une vraiment belle vie en plein air à ces cochons, de la bonne bouffe, de la protection et à chaque jour du frottage de bédaine. Mais surtout, on voulait montrer que c'est possible de travailler le sol, récupérer de la matière organique d'un seul resto, fertiliser le sol et de récolter 175 kilos de viandes de porc sans polluer, sans mauvaises odeurs et surtout sans avoir à détruire des forêts pour planter du soya et maïs ( bio ou pas.)